vendredi 28 décembre 2007

Odeurs.


Je n’ai pas été surpris. Un peu comme si je le savais déjà. Une sorte de prescience, de conscience perceptive sans pensées préalables. Lycéen, ça m’aurait plu.

Dimanche un peu avant midi. Aucune alerte auparavant. Une normalité absolue, déprimante même. Et tout à coup, sans raisons, vraiment sans raisons il s’est mis à parler. Propos indistincts au départ. Peu compréhensibles. Je le regardais comme on regarde une curiosité, un peu comme quand on va au zoo. On s’attend à voir ce qu’on regarde. C’était mon état d’esprit.

J’étais suspendu à ses dires. Le plus ennuyeux, c’est que je ne comprenais pas ce qu’il disait. Je voyais bien que cela l’énervait. Il faisait des efforts surhumains, oui réellement surhumains, pour se faire comprendre. Des borborygmes. Je ne savais pas comment l’aider. Ni vers qui me tourner pour un conseil. J’attendais. Immobile. Suspendu à ses lèvres. Enfin à ses propos.

Le temps a passé. Je n’ai pas vu tomber la nuit. J’ai appuyé sur l’interrupteur pour éclairer la scène. La cuisine. J’étais dans la cuisine. Lui aussi. Tous les deux. Nous n’étions pas seuls. Dans cette cuisine, ma cuisine, on trouve tout ce que l’on peut voir dans une cuisine ordinaire, normale. Tout en réalisant avec effroi que j’avais passé l’après-midi complet face à lui sans bouger, je levais la tête et regardais par la fenêtre. Ailleurs aussi les lumières brillaient. Fin de journée en hiver. Banal.

Un peu plus tard, mais seulement un peu, j’ai réussi à me rendre compte qu’il répétait toujours les mêmes sons. La même phrase. C’était à mon tour. Des efforts. Je devais en faire. Je lui devais bien cela. Je me suis alors concentré sur ses paroles, j’ai abstrait idéalement mon environnement. J’étais oreilles, pavillons réceptifs, conduit, marteau, cils, nerfs…Que sais –je encore !

C’est alors que je l’ai entendu. Sans erreurs possibles. Une espèce de ronronnement qui s’est tu, puis il m’a dit : " Tu sais, j’ai froid ! " Pour qu’il se taise, je l’ai débranché. Quelques temps après, elles sont arrivées.
Dans mon frigo.
Les odeurs.